Projet de Recherche

Têtes et bustes dans les arts dits « mineurs » de l’époque hellénistique au début de l’Empire en Méditerranée orientale et en Grande Grèce.
Köpfe und Büsten in der "Kleinkunst" des östlichen Mittelmeerraumes und der Magna Graecia aus der hellenistischen Epoche und der frühen Kaiserzeit.

Mon projet de recherche s’inscrit dans la continuité de mon sujet de DEA intitulé « Têtes et bustes dans les arts dits « mineurs » de l’époque hellénistique au début de l’Empire en Méditerranée orientale » - la Grande Grèce sera désormais incluse dans cette étude -, et de mon mémoire de maîtrise qui portait exclusivement sur les décors de têtes et de bustes apparaissant au fond de coupes en métal, en terre cuite, en faïence et en stéatite.
A la suite des résultats de recherche obtenus au cours de l’année de DEA, il est apparu de façon très nette que ces motifs de têtes et de bustes font partie intégrante du répertoire des artisans à la période gréco-romaine. Ils figurent, en effet, sur des supports multiples façonnés dans des matériaux et avec des techniques variés. Ainsi, ces motifs ornent non seulement la vaisselle mais encore le mobilier, les petits objets comme des boîtes à bijoux et des jetons à jouer. A ce corpus, il faudra ajouter l’étude des bustes statuaires et des têtes votives miniatures. Les bijoux comme les médaillons en or et les bagues dont les chatons procèdent du même système décoratif que les coupes à emblèma seront aussi étudiés. Les camées, les intailles et les sceaux s’inscriront dans notre champ de recherche. Enfin, les portraits apparaissant sur les phalères feront l’objet d’une analyse.
Les perspectives de recherche s’organiseront autour de trois axes principaux : les antécédents de cette pratique décorative et l’origine de cette nouvelle forme de portrait qu’est le portrait miniature, l’étude du portrait qui aboutira à une réflexion sur le problème complexe de la transmission des modèles établis à l’époque hellénistique sous l’Empire, et la valeur symbolique de ces portraits.

Orner des objets de têtes et de bustes n’est pas propre à la période gréco-romaine. Ce n’est pas une pratique décorative nouvelle. Aussi, il serait judicieux pour bien comprendre les antécédents de l’engouement pour ces motifs décoratifs de faire un état des lieux aux époques antérieures, à la période classique pour le monde grec et à l’Age du Fer au Proche-Orient où il existe notamment des plaquettes en ivoire à l’effigie de la « femme à la fenêtre ». Peut-être même faudra-t-il remonter plus en avant dans la chronologie puisqu’il existe déjà des bustes miniatures votifs sous les XIXe et XXe dynasties (1295-1080 avant J.-C.).
Par ailleurs, il faudra se demander quelle est l’origine de ces modes de représentation. En effet, s’inspirent-ils du décor monumental, des antéfixes par exemple ; de la statuaire ; des boucliers dont le centre est orné de la tête de Méduse ou encore de vases munis de protomés ?
Si les conditions de l’essor de cette pratique décorative dès l’époque hellénistique demeurent obscures, il en est de même pour l’apparition des portraits miniatures en métal, en terre cuite, en faïence…Toutefois, l’origine de ces portraits de petite taille pourrait peut-être trouver ses fondements dans l’émergence récente des portraits monétaires. Par ailleurs, il faudra s’interroger sur le rôle qu’a joué la Macédoine dans l’apparition de ces portraits dans les arts décoratifs puisque c’est dans une tombe à Vergina que l’on a découvert, un lit d’apparat orné, entre autres, de têtes en ivoire aux effigies de Philippe II de Macédoine et d’Alexandre le Grand notamment.

Les têtes et les bustes sont tirés d’un double répertoire à la fois divin et profane. Toutefois l’accent sera mis sur l’étude du portrait de petites dimensions, son iconographie et son évolution au cours de la période allant de l’époque hellénistique au début de l’Empire. Les portraits peuvent être regroupés en quatre catégories bien distinctes. Les souverains hellénistiques et les empereurs romains forment la première catégorie. La seconde est constituée par les portraits des hommes publics grecs et romains tels des philosophes comme Démosthène ou des hommes de lettres comme le tragique Euripide. Les notables des cités forment la troisième. Viennent enfin des portraits dont l’identification n’a pu être établie de façon sûre.
Cette étude du portrait, qui se fera de manière chronologique et qui portera sur les modes de représentation, les canons esthétiques et l’iconographie, nous permettra de réfléchir au problème complexe de la transmission des modèles établis à l’époque hellénistique sous l’Empire – puisque les Romains vont reprendre à leur compte cette tradition du petit portrait -, les continuités et les ruptures, et de mesurer l’importance du poids de la tradition grecques et celui des normes et des valeurs sociales romaines qui s’expriment sur ces portraits de petit format. A l’inverse, on pourra se demander si la présence romaine dans le bassin oriental de la Méditerranée n’a pas influencé le portrait hellénistique. Dans cette perspective, c’est le rapport, la confrontation entre le monde grec – l’Egypte ptolémaïque, principalement, qui a livré beaucoup de portraits de petit format – et le monde romain, qui seront ici privilégiés.
L’un des enjeux de cette analyse sera également de comprendre la spécificité de ces petits portraits et les rapports qu’ils entretiennent avec les portraits sculptés. De fait, les portraits de petites dimensions constituent-ils une alternative aux portraits sculptés ou au contraire en sont-ils inspirés ? Ces portraits de dimensions réduites témoignent-ils d’une iconographie particulière ? Dans cette optique, il sera judicieux de faire une étude comparative entre les portraits de la grande statuaire et les portraits miniatures pour voir s’il suivent les mêmes canons esthétiques et la même iconographie ou au contraire s’ils se différencient. De même, dans quelle mesure le portrait monétaire, qui se caractérise aussi par ces dimensions réduites, a-t-il pu influencer les portraits apparaissant sur des supports ?

Ces portraits ne sauraient être purement décoratifs et il conviendra, dès lors, de s’interroger sur les messages politiques et religieux qu’ils ont permis de délivrer. En effet, après s’être appropriés les modes de représentation et les attributs divins à tel point qu’il est bien difficile de distinguer les images divines des images royales, les souverains hellénistiques se sont faits représenter sur des supports à caractère religieux jusqu’alors réservés aux divinités. Il sera important pour bien comprendre l’intérêt de ces portraits miniatures et du support auquel ils sont associés, de les replacer dans le contexte politico-religieux contemporain. Cette pratique va être adoptée ultérieurement en Occident comme en témoignent les portraits miniatures des empereurs romains et de leur famille. De plus, à l’instar des souverains hellénistiques et des empereurs, les hommes publics vont à leur tour figurer sur des petits supports. Nous pouvons constater, de ce fait, que la représentation de l’homme public s’inscrit dans le sillage des images royales et impériales, elles-mêmes fortement inspirées des images divines. Il serait bon de comprendre ce phénomène.
En outre, quelles pouvaient être la signification de ces portraits de dimensions réduites, leur diffusion, leur utilisation et leurs destinataires ? Ces portraits sont porteurs de messages, mais sont-ils les mêmes tout au long de la période gréco-romaine ? Si les empereurs romains reprennent à leur compte le principe des petits portraits inauguré par les souverains hellénistiques, s’inscrivent-ils pour autant dans le même courant de pensée ?
Nous pourrons aussi nous interroger sur le contexte dans lequel étaient utilisés ces objets. Etait-ce lors de fêtes publiques ou de cérémonies religieuses, dans le cadre privé des maisons ? Il apparaît bien difficile de répondre à ces interrogations dans la mesure où très peu d’objets ont été découverts dans un contexte archéologique sûr. Dans ces conditions, nous ne pourrons vraisemblablement n’émettre que des hypothèses.
Enfin, si l’archéologie figurée est primordiale dans l’étude des textes antiques. Dans cette perspective, les sources papyrologiques gréco-romaines, notamment, permettraient peut-être d’apporter des éléments de réponse – documents relevant du droit privé comme les contrats de mariage, les testaments…- ou encore les inventaires des trésors des temples et des sanctuaires, et des ateliers.

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