L'autoreprésentation des parlements français, allemand et européen
dans les mass medias. Etude comparative.
 
Les rapports des parlements au public caractérisent l'identité de l'institution « parlement » et, ainsi, la culture démocratique du système politique concerné. La question de savoir quels résultats ou procédures de travail parlementaires doivent être rendus publics et lesquels ne doivent pas l'être constitue un des sujets de débat sur les règlement internes des parlements, ainsi que des théories du parlementarisme et, plus généralement, des théories politiques. D'un côté, l'on trouve le discours refusant l'extension du public parlementaire, car les parlements craignent pour leurs membres des conséquences négatives, pour la rationalité de leur travail un préjudice ou la diminution du prestige du système politique qu'ils représentent. De l'autre côté, l'on souhaite avoir plus de public dans l'espoir d'effets positifs sur la carrière des parlementaires, de soutien public aux efforts d'émancipation des parlements ou d'acceptation accrue du système politique par plus de transparence. Depuis que les mass medias se développent, ces réflexions se trouvent au centre des systèmes politiques des sociétés occidentales. Dans ma thèse, je voudrais essayer de reconstituer les réflexions portant sur la conscience de soi des trois cas considérés, ce par une analyse historique et sociologique des relations entre les parlements et les mass medias. L'objet concret est l'autoreprésentation des parlements à la télévision et sur Internet. L'analyse de medias traitera trois dimensions :
1) La dimension de la production de public par les institutions concernées. Ici, je voudrais répondre à des questions comme par exemple: quels acteurs définissent le public parlementaire, quels mécanismes institutionnels développe-t-on pour présenter les parlements au public, quels résultats et quels procédures de travail parlementaires sont-ils montrés (et lesquels ne le sont pas)? Sur le plan méthodologique, c'est ici une analyse institutionnelle, s'appuyant sur des données obtenues de façon qualitative et empirique qui est prévue.
2) La dimension de l'analyse textuelle. Ici, je compte examiner la façon dont est esthétiquement et narrativement présenté ce que l'on peut voir des parlements. Où sont disposées les caméras dans l'enceinte des parlements? Quels extraits des débats parlementaires montre-t-on? De quelle façon le "mode narratif" choisi positionne-t-il le public qu'il souhaite avoir? Quelles différences existe-t-il entre les medias télévision et Internet? C'est ici que j'utiliserai les théories et méthodes de l'analyse littéraire et des sciences de la communication.

3) La dimension du système médiatique. Par le changement technologique ainsi que par le développement institutionnel du paysage médiatique, l'environnement des parlements change et, donc, leurs stratégies face aux medias. Ici, les questions intéressantes sont : comment se comportent la logique du système politique et du système médiatique l'une envers l'autre, quels effets a sur l'autoreprésentation des parlements un changement structurel du public médiatique? Pour ce faire, je prévoie des analyses menées à l'aide de la théorie des médias et de la théories des systèmes.


Ces dimensions générales fourniront le cadre de l'analyse historique et sociologique. Cependant, chacun des trois cas implique l'étude de points qui leur sont particuliers, vu des situations de départ très différentes (pour ne pas dire opposées):

En France, l'influence politique de l'Assemblée nationale a été considérablement diminuée par la constitution de la Ve République. Depuis les années 90, cette situation a quelque peu changé du fait de reformes constitutionnelles. Reste toutefois la question fondamentale de savoir comment la perte de signification de cette institution, qui a joué un rôle si important dans la tradition philosophico-politique française, se reflète dans la conscience qu'elle a de soi et son autoreprésentation publique.

Dans le cas allemand, la situation de 1949 était différente: la tradition anti-parlementaire en Allemagne devait être surmontée. En même temps, pour la première fois, les Allemands pouvaient voir ce qui se passait au sein même d'un parlement dédaigné.

Comment peut-on évaluer l'essai du Bundestag d'utiliser les mass medias pour augmenter l'acceptation du parlement et, ainsi, celle du système parlementaire?

Dans le cas du parlement européen, il faut encore - au contraire de cas nationaux, où les parlements peuvent toujours compter sur un public déjà existant - construire un public européen. Quelles sont ici les conditions de production du public par les mass medias?

Mon hypothèse principale (développée avant tout pour le cas allemand) est que les parlements sont passés d'une stratégie de défense contre les medias, destinée à protéger l'arcanum politique, à la position contraire selon laquelle une grande présence du parlement dans les medias est désirable. Je ne présuppose donc pas simplement que la politique est devenue plus transparente, mais aussi que les parlements ont l'intention de susciter l'impression qu'ils travaillent toujours de façon routinière. Si cette hypothèse est juste, elle signale alors que la position du système politique dans la société a changé. Sur le plan théorique, la thèse se propose de contribuer à la compréhension non seulement du rapport entre politique et medias, mais aussi des conditions médiatiques dans lesquelles la politique postmoderne fonctionne.

 
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